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CHAPITRE I.

NOTIONS PRÉLIMINAIRES ET HISTORIQUES.

SECTION I.

Notions préliminaires.

1. L'expression générique d'agents diplomatiques et consulaires comprend toutes les personnes qui, à un titre et à un degré quelconque, sont envoyées en pays étranger afin d'y pourvoir en toute occasion aux intérêts soit de leur gouvernement soit de leurs nationaux, ou pour y traiter certaines affaires spéciales. En d'autres termes, il y a des agents dont les fonctions sont permanentes et d'autres qui sont chargés de missions temporaires ou passagères.

2. A cet effet, on distingue les catégories suivantes : 1o les ministres publics revêtus d'un caractère officiel et accrédités auprès des gouvernements étrangers; 2o les agents chargés de missions analogues, mais sans caractère public et officiel; 3° les commissaires délégués pour régler certaines affaires particulières, telles qu'une délimitation de frontières, l'arrangement d'un différend, l'exécution de quelque article d'un traité. Ils ne communiquent pas directement avec le souverain étranger, mais seulement avec ses ministres ou avec leurs délégués; 40 les consuls chargés plus spécialement de protéger le commerce de leurs nationaux à l'étranger. Il existe, en outre, un personnel auxiliaire, comprenant les secrétaires, les chanceliers, les interprètes, les courriers d'ambassade, etc. - Heffter, Le droit international de l'Europe, § 201.

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3. Dans le langage du droit des gens, on appelle spécialement ministre l'agent diplomatique qu'un souverain ou un gouvernement envoie dans un pays étranger, ou à un congrès, pour y traiter des affaires politiques ou pour y entamer des négociations, et qui, muni de lettres de créance ou de pleins pouvoirs, jouit des divers privilèges que le droit des gens accorde au caractère public dont il est revêtu. - Ch. de Martens, Guide, t. 1, § 4.

4.- Tout agent diplomatique réunit deux qualités différentes : 1° celle de fonctionnaire public; 2° celle de mandataire du gouvernement qui l'emploie. La première est le plus souvent permanente; la seconde, dans laquelle il agit au nom du gouvernement qu'il représente, est essentiellement temporaire, puisqu'elle n'est le résultat que d'une mission spéciale. Ch. de Martens, loc. cit.

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5. Au contraire, les membres du corps consulaire ne sont pas tous et partout des fonctionnaires publics de l'Etat qui les emploie. Il y a un certain nombre de pays où les fonctions consulaires sont confiées, en partie, à des négociants résidant d'ancienne date dans la localité et qui n'appartiennent même pas toujours par leur nationalité au pays dont ils sont chargés de prendre en mains les intérêts commerciaux ou maritimes. Dans ces pays-là, le corps comprend donc deux catégories de consuls: tous sont investis d'un mandat spécial du gouvernement qu'ils servent; mais les uns sont des fonctionnaires permanents du gouvernement; les autres ne le sont pas.

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6. La diplomatie, d'où dérive la qualification d'agent diplomatique, est, selon la définition de M. Ch. de Martens, << l'art d'ordonner, de diriger et de suivre avec connaissance de cause les négociations politiques, en deux mots, l'art des négociations, ou, suivant celle de M. Calvo, la science des relations qui existent entre les divers Etats, telles qu'elles résultent de leurs intérêts réciproques, des principes du droit international et des traités ou des conventions. Ces deux définitions se complètent; car la diplomatie est certainement tout à la fois une science et un art. Ch. de Martens, Guide, Consid. générales; Calvo, Droit international, t. 1, § 391.

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9. Les rapports si compliqués des Etats de la Grèce entre eux ont donné lieu à un échange très actif de communications diplomatiques, le plus souvent par l'entremise de députations que dirigeait quelque personnage de marque. Ces ambassades n'étaient pas, d'ailleurs, réservées à une classe particulière de fonctionnaires employés exclusivement à ce service et revêtus, comme tels, d'un caractère spécial. Elles n'avaient rien de régulier ni de permanent. Les ambassadeurs étaient envoyés en vue d'une mission particulière et s'en retournaient après l'avoir accomplie ou y avoir échoué.

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10. C'est au moyen-âge, en Italie, que la diplomatie commença à être pratiquée comme art et enseignée comme science par des diplomates proprement dits: elle était le patrimoine du haut clergé. A cette école des savants et des hommes d'Etat italiens, au premier rang desquels figure Machiavel, la diplomatie devint un art plein de subtilités et de ruse, l'art de dissimuler caché sous le masque de formes conventionnelles, et se fit l'instrument d'une politique d'égoïsme et d'intrigues.

11. Primitivement, en Europe, on ne connaissait qu'une seule classe d'agents ou ministres publics; on les nommait soit ambassadeurs, soit procureurs. Dans les circonstances de pure cérémonie, on envoyait des gentilshommes, mais qui ne jouissaient pas du caractère ni des prérogatives des ambassadeurs. Ch. de Martens, Guide, t. 1, § 12.

que, soit pour éviter

12. C'est vers le xve ou le xvIe siècle les frais énormes de représentation, soit pour échapper à des querelles d'étiquette on commença à envoyer avec le titre de résidents des ministres chargés d'une mission permanente, mais d'un rang inférieur, et, par conséquent, revêtus à un degré moins élevé du caractère représentatif. Ch. de Martens, Guide, t. 1, § 12; Leti, Cerem., t. 6.

13. Puis vinrent les chargés d'affaires investis d'une mission spéciale de leur gouvernement, et qui cédaient le pas aux résidents, quelle que fùt d'ailleurs l'importance de leur mission. Mêmes auteurs.

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14. Depuis, on a encore augmenté les diverses classes de ministres et les grades dans les ordres inférieurs, en établissant des agents sous le titre et avec le caractère de ministres plénipotentiaires, ministres résidents, ministres chargés d'affaires.

15. On peut dire, d'une façon générale, que la représentation diplomatique permanente, telle que nous la voyons fonctionner aujourd'hui dans tout le monde civilisé, remonte au cardinal de Richelieu et aux traités de Westphalie. Ces traités, en faisant prévaloir la doctrine de l'équilibre européen, ont mis les Etats dans la nécessité de se surveiller réciproquement et consacré par la même l'usage des missions fixes. - Calvo, § 392. 16. Les diverses classes de ministres publics reconnues par le droit international moderne ont été fixées par le règlement du Congrès de Vienne du 19 mars 1815, complété par celui du congrès d'Aix-la-Chapelle du 21 novembre 1818.

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19. Les consulats sont une institution beaucoup plus moderne. On ne trouve chez les anciens que des traces d'institutions analogues, établies pour la protection du commerce.

20. Dès l'année 526 avant Jésus-Christ, les Grecs avaient en Egypte des magistrats chargés de juger leurs nationaux suivant leurs lois particulières. Miltitz, Manuel des consuls, t. 1, liv. 1, chap. 2.

21. - En Grèce aussi, les proxenes offraient quelques traits de ressemblance avec nos agents consulaires. «Souvent, dit M. Pardessus (L. marit., t. 2, p. 52), un Etat faisait choix dans un autre Etat d'un citoyen notable appelé proxene, qui, en qua

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24. La loi des Visigoths, rédigée au vie siècle, portait que les différends entre marchands d'outre-mer devaient être jugés suivant leurs lois, par des magistrats (telonarii) de leur nation (L. des Visigoths, liv. 2, tit. 3, art. 2). Miltitz, Manuel des consuls, t. 1, ch. 4, sect. 2.

25. Quand des villes importantes de l'Italie se furent constituées en petites républiques et que des villes de la France méridionale, c'est-à-dire de la Provence et du Languedoc, eurent formé des associations communales et commerçantes, indépendantes des lois de la couronne, le nom de consuls servit à désigner des magistrats spéciaux chargés de statuer sur les contestations commerciales de terre ou de mer. Ce titre fut ensuite donné par analogie aux délégués institués pour protéger à l'étranger les intérêts du commerce; on les appela dans l'origine consuls d'outre-mer ou consuls à l'étranger. Il y avait des consuls de marchands et des consuls de marins ou de mer: dès 1164, à Pise, à Montpellier dès 1124 et à Marseille dès 1254. Ruben de Couder, Dict. de dr. comm., vo Consuls, n. 4.

26. Les premiers consuls à l'étranger ont été établis dans le Levant, à Constantinople, dans la Palestine, la Syrie et l'Egypte, par Gênes, Pise, Venise et Florence, de 1098 à 1196, et par les villes méridionales de la France. - Ruben de Couder, n. 5. 27. Narbonne avait un consul à Gènes en 1166, 1224 et 1279; à Pise, en 1278; en Espagne, en 1297 et 1303; à Constantinople, en 1340; à l'ile de Rhodes, en 1340 et 1356; en Sicile, en 1361; en Egypte, en 1377; Marseille en avait un à Tunis en 1250; Montpellier en eut un en Palestine et à Constantinople en 1243; à Majorque et à Barcelone, vers 1246; dans le royaume de Chypre, en 1254; en Egypte, en 1267; à Venise, en 1268; dans l'ile de Rhodes, en 1356.

28. Saint Louis fut le premier roi français qui institua des consuls à l'étranger. En 1251, il traita avec le sultan d'Egypte pour l'établissement de deux consuls, l'un à Tripoli et l'autre à Alexandrie. Ruben de Couder, n. 7.

29. Lorsqu'après la réunion de la Provence et du Languedoc à la couronne de France, le commerce des villes méridionales se fut affaibli, les consulats établis à l'étranger disparurent presque complètement, et ne furent réinstitués que vers le commencement du XVIe siècle. En 1760, la France n'avait de consuls que dans le Levant, la Barbarie, l'Italie, l'Espagne et le Portugal. Depuis les traités de Ryswick et d'Utrecht, elle n'en avait plus en Hollande ni en Angleterre. Ruben de Couder, n. 8.

30. D'un autre côté, à l'époque dont nous parlons et jusqu'à un temps assez rapproché de nous, les étrangers ont souvent eu beaucoup de peine à obtenir de notre gouvernement le droit d'avoir des consuls chez nous. D'une part, on craignait un empiétement sur la juridiction française; de l'autre, en autorisant un consul étranger en France, on renonçait par là même aux droits d'aubaine et de naufrage. Demangeat, p. 181.

31. Ce n'est qu'à dater de l'abolition complète du droit de naufrage, en 1543, et à mesure qu'un assez grand nombre de traités de commerce furent conclus avec les puissances étrangères, que celles-ci obtinrent plus facilement d'avoir des consuls en France. - Demangeat, loc. cit.

32. Même après ce changement dans les dispositions de notre gouvernement, on a toujours tenu dans notre ancienne jurisprudence qu'il fallait une convention expresse pour donner aux étrangers la faculté d'avoir des consuls dans notre pays. Demangeat, loc. cit.

33. Dans le principe, les maitres et patrons des navires étrangers choisissaient leurs consuls, et il les prenaient indifféremment parmi les marchands établis dans chaque lieu où ils

Demangeat, p. 180; Mer

faisaient leur principal commerce. lin, Rép., y Consuls français, § 1. 34. Les consuls n'avaient pour mission que de protéger et surveiller les intérêts commerciaux des négociants, de leur procurer la vente des marchandises qu'ils apportaient et l'achat de celles dont ils avaient besoin pour leur retour, enfin de les défendre des avanies qui pourraient leur être faites dans le pays. Mèmes auteurs.

35. Ils n'avaient le droit de juger que comme arbitres les différends qui s'élevaient entre les négociants de leur pays, rẻsidant ou voyageant à l'étranger; ils étaient payés par ceux-ci, et non seulement leur juridiction était volontaire, mais encore ils ne pouvaient exercer leurs sentences, et surtout les faire exécuter, que du consentement du souverain auprès duquel ils étaient accrédités. Ruben de Couder, n. 9.

36. Depuis, l'utilité de leur institution ayant été appréciée, ils ne relevèrent plus du choix des maîtres de navires, ils furent nommés par le souverain de leur pays; de simples chargés d'affaires commerciales qu'ils étaient, ils devinrent fonctionnaires publics; représentant, sous des rapports importants, le pays qui les avait nommés, ils furent entourés de privilèges et de prérogatives résultant de conventions et de traités particuliers. Demangeat, loc. cit.; Ruben de Couder, n. 10.

-

37. Les consuls furent régulièrement institués par l'or donnance d'août 1681 (liv. 1, tit. 9).-Les dispositions de cette ordonnance furent successivement complétées ou modifiées par les ordonn. des 28 févr. 1687, 4 janv. 1713, 25 mai 1722, 24 mai 1728, 17 août 1756, par l'édit du 28 juin 1778, par l'ord. du 3 mars 1781.

38.- La Révolution n'apporta aucun changement à la législation qui régissait alors les consuls; seulement ils cessèrent d'appartenir au ministère de la marine, et ils relevèrent du département des affaires étrangères (L. 10 vendém. an IV; décr. 22 juin 1811 et 19 janv. 1812).

39. Dans l'intervalle du 19 brum. an VIII au sénatus-consulte du 28 flor. an XII, les consuls furent désignés sous le nom de commissaires aux relations commerciales; mais leur ancien titre leur fut rendu après l'an XII, et conservé par l'ordonnance du 15 déc. 1815 et le règlement du 11 juin 1816.

40. — L'organisation définitive des consuls, agents consulaires et officiers attachés aux consulats, ainsi que leurs attributions et leur compétence, ont été fixées par plusieurs ordonnances de l'année 1833 et par la loi du 28 mai 1836, sur la poursuite et le jugement des contraventions, délits et crimes commis par des Français dans les échelles du Levant et de la Barbarie.

41. Depuis lors, le recrutement, le classement et les émoluments du personnel des consulats ont fait l'objet d'une série d'autres dispositions législatives que nous indiquerons dans les chapitres correspondants de cette étude, et dont le caractère le plus saillant consiste dans l'assimilation complète des agents consulaires aux agents diplomatiques s'ils ont des attributions différentes à raison de la nature spéciale de leur mission respective, ils n'en font pas moins partie du même corps, se recrutent de la même façon et passent, suivant les besoins, de l'un des services à l'autre, les divers grades de l'une des hiérarchies ayant dans l'autre leur équivalent parfait (Décr. 10 juill. 1880, 31 mars 1882, etc.).

42.

SECTION III.

De la fusion des carrières diplomatique et consulaire.

La question de savoir si la carrière consulaire et la carrière diplomatique doivent rester distinctes l'une de l'autre, ou si l'on doit pouvoir passer de l'une à l'autre, n'a pas reçu toujours et partout la solution que ces derniers décrets lui ont donnée en France.

43. Dans le sens d'une séparation absolue, on a fait valoir, notamment en Angleterre 1° que les aptitudes requises des diplomates et des consuls ne sont pas les mêmes; 2° que les consuls ont des obligations essentiellement différentes; 3° que, si les consuls avaient la perspective d'entrer dans le service diplomatique, ils seraient fatalement tentés de s'occuper plus de politique que des questions commerciales qui leur sont spécialement dévolues; 40 que, devant être constamment contrôlés par les missions diplomatiques, il est nécessaire qu'ils leur soient hiérarchiquement subordonnés. V., dans le Report on the di

plomatic and consular services, les opinions émises par MM. Hammond, Elliot, Paget, lord Malmesbury, lord Clarendon, etc.

voyer et d'en recevoir. Le fait d'en recevoir implique la reconnaissance du droit actif d'ambassade chez l'Etat qui l'exerce et l'intention de se faire également représenter auprès de lui. — Neumann, Grundiss, § 53.

SECTION II.

Des conditions auxquelles est subordonné l'exercice du droit d'ambassade.

44. On a répondu que l'entrée dans la carrière consulaire est souvent subordonnée à des conditions de capacité bien plus rigoureuses que dans la carrière diplomatique; que les gouvernements donnent constamment aujourd'hui à leurs consuls des mandats de nature politique et demandent d'eux des rapports sur les événements politiques qui se produisent dans leur arrondissement; qu'enfin la surveillance exercée sur les consulats par les missions diplomatiques est presque toujours illusoire. - Même ouvr., p. 37, 311, etc. 52. V. aussi First Report from the select committee on dipl. and consul. services, p. 10, quest., n. 150. 45. On aurait pu rappeler, à l'appui de cette réponse, le mot connu de Talleyrand : « Quand on a été un diplomate habile, combien faut-il encore y ajouter pour être un bon consul! >> - Castilho-Barreto, Traité du consulat, t. 1, p. 187.

46. Si l'on étudie la question au point de vue des principes et de la nature actuelle des choses, la solution ne saurait en être douteuse. Comme le dit fort bien M. F. de Martens (Consularwesen, trad. Skerst, p. 589), l'administration internationale est une et indivisible comme le pouvoir souverain de l'Etat. Par conséquent, les organes de ce pouvoir unique ne peuvent être essentiellement séparés les uns des autres; ils doivent, au contraire, se trouver placés de façon à agir incessamment les uns sur les autres et se pénétrer de l'idée qu'ils ont à se préoccuper de concert des intérêts de leur gouvernement et des buts qu'il se propose. Bien loin d'être des antagonistes ou d'être séparés par des barrières infranchissables, les agents des deux services doivent pouvoir se suppléer réciproquement et passer de l'un à l'autre; il serait même désirable que les agents diplomatiques, spécialement chargés des intérêts politiques et publics de leur nation, passassent toujours quelque temps dans le service consulaire, où ils se familiariseraient, mieux que dans les légations proprement dites, avec les multiples intérêts privés de leurs nationaux à l'étranger: ce sont les consuls qui, de nos jours, sont essentiellement préposés aux relations sociales, intellectuelles, économiques entre les nations, et, par suite, au maintien de la bonne harmonie universelle. Pour faire de bonne politique internationale, il faut connaître à fond ces besoins et ces intérêts privés, et c'est seulement dans les consulats qu'on peut les étudier.

47. Ces considérations développées par le savant professeur et diplomate russe ont trouvé de l'écho; et, ainsi que nous le disions, la fusion des deux services qu'il préconisait il quinze ans, est aujourd'hui un fait accompli dans une partie de l'Europe, notamment en France.

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CHAPITRE II.

DU DROIT D'AMBASSADE.

SECTION I.

Du droit d'ambassade en général.

y a

48. Le droit d'envoyer et de recevoir des agents diplomatiques se nomme droit d'ambassade; le droit d'ambassade actif est le droit d'en envoyer; le droit d'ambassade passif est celui d'en recevoir. - F. de Martens, Traité de droit internat., t. 2, p. 31 et s.

49. Le droit d'ambassade appartient essentiellement au souverain, au chef d'Etat ou au corps qui représente et dirige le pays dans ses rapports avec les pays étrangers; ainsi, dans les Etats monarchiques, il appartient au monarque; dans les républiques, au dignitaire ou au conseil qui est investi du pouvoir exécutif suprême et à qui la constitution accorde cette prérogative. C'est à ce titre qu'en France et aux Etats-Unis, le droit d'ambassade est exercé par le président de la République; en Suisse, par le Conseil fédéral.

50. Aucun Etat n'est tenu de recevoir ou d'envoyer des ministres, hormis le cas où il s'agirait d'aplanir amiablement un conflit et d'arriver à une entente exigeant un échange d'explications personnelles.

51. Mais, en règle générale, les Etats qui ne sont pas en dehors du commerce international sont dans l'usage d'en en

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Le droit d'ambassade actif ou passif ne peut être exercé que par des Etats ou des confédérations d'Etats en possession de la pleine souveraineté. Mais tout Etat complètement indépendant en jouit. Ch. de Martens, Guide diplomatique, t. 1, § 5. 53. Les Etats mi-souverains, c'est-à-dire ceux qui n'ont qu'une souveraineté interne, non reconnue par le droit des gens, les Etats soumis à un protectorat et les Etats vassaux, n'ont pas le droit d'ambassade ou, du moins, quant à ces deux dernières catégories, ne peuvent l'exercer qu'avec l'autorisation expresse de la puissance protectrice ou suzeraine. Neumann, Grundriss, § 53.

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54. Merlin (Rep., vo Ministre public, sect. 2, § 1, n. 1 et s.), pense cependant que ce droit appartient aux Etats vassaux ou tributaires; et, suivant Vattel (Droit des gens, liv. 4, n. 5, § 60), les prérogatives de la souveraineté ne se perdent point, même par un traité de protection, à moins de conventions contraires. Cette solution est rapportée par Ch. de Martens, sans observations. Guide, t. 1, § 5, note 2.

55. — Bien que, rigoureusement, la constitution du nouvel Empire d'Allemagne ait modifié la Confédération germanique en vigueur antérieurement à l'année 1866, en ce sens que c'est l'Empire qui représente, comme tel, vis-à-vis de l'étranger, les divers Etats confédérés, ceux-ci ont conservé jusqu'à présent le droit d'ambassade actif et passif. - Laband, Staatsrecht des deutschen Reiches, t. 2, p. 239 et s.

56. En Suisse, d'après la constitution de 1874, la Confédération a seule le droit de déclarer la guerre et de conclure la paix, ainsi que de faire avec les Etats étrangers des alliances et des traités, notamment des traités de douane et de commerce. Exceptionnellement, les cantons conservent le droit de conclure avec les Etats étrangers des traités sur des objets concernant l'économie publique, les rapports de voisinage et de police; mais les rapports officiels entre eux et ces Etats ne peuvent, hormis ces objets spéciaux, avoir lieu que par l'intermédiaire du Conseil fédéral (Const. 1874, art. 8-10).

57. La constitution des Etats-Unis de 1787 a enlevé à chaque Etat particulier le droit de représentation et leur défend de conclure sans le consentement du Congrès fédéral aucun arrangement ou aucune convention avec une nation étrangère. Le même principe a prévalu parmi les Etats qui forment les fédérations de l'Amérique méridionale. - Calvo, Droit internat., t. 1, § 401; Wheaton, éd. par Dana, Eléments, § 208.

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57 bis. Les Etats qui sont sous le régime de l'union personnelle n'ont aussi, en général, qu'un représentant unique. Ainsi, la Suède et la Norwège n'ont pas de représentants distincts; leurs ministres s'intitulent ministres de Suède et de Norwège. Toutefois, le Luxembourg et les Pays-Bas ont, dans plusieurs pays, des agents différents.

58. En dehors des cas de confédérations d'Etats, la question de savoir si un Etat mi-souverain doit ou non pouvoir prétendre au droit d'ambassade est souvent une question de fait et dépend du plus ou moins d'indépendance dont il jouit en réalité. Ainsi, dès avant 1878, les principautés danubiennes de Roumanie et de Serbie entretenaient auprès de plusieurs puissances étrangères des agents, dont, d'ailleurs, le caractère diplomatique n'était pas nettement déterminé. Il va sans dire que, depuis que le traité de Berlin a reconnu leur souveraineté et leur indépendance absolues, le droit d'ambassade ne peut plus leur être contesté. Neumann, § 53.

59.

Tant que la république des îles Ioniennes subsista sous le protectorat de l'Angleterre, et jusqu'à son annexion à la Grèce en 1863, elle fut représentée diplomatiquement par les agents anglais.

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Neumann, loc. cit.

60. Quelle conduite doivent tenir les Etats étrangers lorsque surgit une révolution ou une guerre civile dans un pays auprès duquel ils sont représentés par une mission diplomatique

permanente? Peuvent-ils continuer leurs relations avec l'ancien gouvernement, ou doivent-ils en nouer tout de suite avec le nouveau? Sont-ils, au contraire, tenus d'en entretenir avec tous les deux à la fois?

61. En principe, comme l'échange de relations politiques découle de la consécration internationale donnée à un gouvernement, on peut dire que les Etats étrangers n'ont pas à tenir compte de faits insurrectionnels, ni de gouvernements dépourvus de la sanction régulière de la majorité du peuple qu'ils prétendent régir.

62. Lorsque des luttes intestines viennent à déchirer un Etat et à y ébranler les pouvoirs publics, le premier devoir des autres gouvernements est donc d'observer une neutralité absolue et de s'abstenir complètement de tous rapports diplomatiques. D'après l'usage invariablement suivi à cet égard, les agents étrangers continuent jusqu'à nouvel ordre leurs relations avec le gouvernement près duquel ils sont accrédités, et ils n'ouvrent avec les autorités qui le remplacent de fait que des rapports purement officieux. Calvo, t. 1, § 402.

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63. Les convenances internationales commandent une réserve bien plus grande encore lorsqu'il s'agit d'une guerre civile au sein d'une confédération, laquelle met en question la souveraineté même de l'Etat. Dans ce cas, en effet, l'envoi et l'admission d'agents revêtus d'un caractère diplomatique implique la reconnaissance du gouvernement révolutionnaire, ainsi que de sa souveraineté et de son indépendance nationales. loc. cit.; Wheaton, Eléments, t. 1, p. 190.

Calvo,

64. Bien qu'en général, quand une province ou une colonie lève l'étendard de la révolte, les puissances étrangères doivent observer une stricte neutralité, il peut y avoir des cas, par exemple, lorsque les forces des deux parties sont à peu près égales, où elles usent d'un droit incontestable en reconnaissant virtuellement l'Etat révolté, c'est-à-dire en reconnaissant son pavillon de commerce et en nommant des consuls dans ses ports. Dans cette mesure, une reconnaissance de l'existence de fait du nouvel Etat est pleinement justifiée et même parfois impérieusement commandée par les devoirs des puissances tierces envers leurs propres ressortissants; elle n'implique pas rupture de la neutralité qu'elles ont à observer entre les deux parties en lutte. - Phillimore, Internat. law, t. 2, n. 13. Mais, comme on le voit, il s'agit, dans l'espèce, de l'envoi éventuel de simples consuls, et non d'agents diplomatiques ayant un caractère plus ou moins représentatif, qui présupposerait la reconnaissance de la province ou de la colonie comme Etat désormais indépendant.

65. La question de savoir si un usurpateur jouit du droit d'ambassade dépend de deux autres : le pays de l'usurpateur l'a-t-il, oui ou non, reconnu comme souverain de fait? De son côté, le pays étranger l'a-t-il reconnu comme tel? La France, par exemple, du temps de Mazarin, a admis sans hésitation les ambassadeurs de Cromwell et refusé de recevoir ceux de Charles II, au Congrès des Pyrénées. De même, l'Angleterre, peu auparavant, en 1641, avait admis l'ambassadeur de Jean IV, roi de Portugal, quoique antérieurement elle eût reconnu seulement l'ambassadeur d'Espagne comme représentant le Portugal. Phillimore, Internat. law, t. 2, n. 123. - Dans les temps modernes, lord Russell agit, comme l'avait fait Mazarin, à l'égard de l'ex-roi de Naples; ayant reconnu le nouveau royaume d'Italie, il déclara en 1861 à l'envoyé napolitain à Londres qu'il n'aurait plus avec lui de rapports diplomatiques. La Prusse fut moins conséquente: elle admit simultanément, au couronnement de Guillaume Ier, en 1861, les représentants de Victor-Emmanuel et ceux de François II, bien que le royaume des Deux-Siciles eût cessé d'exister. -F. de Martens, Traité de droit internat., p. 33.

1. 2,

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66. Dans le cas de vacance du trône, de minorité, de captivité du prince ou de suspension d'exercice de la souveraineté pour une cause quelconque, le droit d'ambassade est dévolu à la personne ou aux personnes investies, d'après les lois de l'Etat, de la direction des affaires publiques; mais, mème dans le cas de régence d'un roi mineur ou infirme, c'est toujours au nom de ce dernier que doivent être signés et publiés les divers actes ou traités qui découlent de la souveraineté. G.-F. de Martens, Précis par Vergé, t. 2, p. 41.

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Un souverain qui a abdiqué ne jouit plus, selon Phillimore (Internat. law, t. 2, n. 124), ni en droit, ni en fait, du droit | d'ambassade. Toutefois, Ch. de Martens fait, à cet égard, une

distinction il admet que ce droit se perd par une abdication volontaire, mais non par une abdication forcée ou une perte involontaire du pouvoir souverain; aussi la réception d'un ambassadeur par un gouvernement est-elle considérée, spécialement dans cette hypothèse, comme une reconnaissance de celui qui l'envoie. Ch. de Martens, Guide diplom., t. 1, §5, in fine. 68. Un prince qui est détenu prisonnier dans le royaume d'un autre prince, s'il n'a pas perdu la souveraineté, y peut avoir un ministre. Mais la question de savoir si ce ministre doit être considéré comme ambassadeur, ou non, dépend de l'autorité que sa commission lui donne. C'est ce qui a été décidé en l'année 1571, par cinq des plus savants jurisconsultes de l'Angleterre, à l'occasion de l'évêque de Ross, qui se prétendait, après l'abdication de Marie, reine d'Ecosse, ambassadeur de cette princesse à Londres. Merlin, Rép., vo Ministre public, sect. 2, § 1, n. 8; Pailliet, Dict. de droit, vo Ambassadeur, n. 6.

69. Les ministres des gouvernements qui ont le droit d'ambassade ne peuvent d'eux-mêmes le mettre en exercice, mais seulement comme délégués à cet effet par le chef du gouvernement. Merlin, n. 10; Pailliet, loc. cit.

70.

Un sujet, fut-il le fils ou le frère d'un roi, n'a point en principe le droit d'ambassade. Cela est constant, malgré quelques exemples contraires rapportés par Merlin (n. 12). Il en est ainsi surtout lorsqu'il s'agit de sujets rebelles contre leur gouvernement même. Cependant, si l'on veut ramener l'ordre et la paix, il faut négocier, écrire, s'aboucher, traiter enfin. Or, tout cela est impossible si l'on refuse d'admettre les représentants des rebelles. La rigueur du principe doit donc fléchir devant le salut public. Plusieurs exemples sont cités à l'appui de cette exception dans le dictionnaire de Pailliet, loc. cit.

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SECTION III.

Des diverses manières dont peut s'exercer le droit d'ambassade. 71. Tout Etat a le droit, s'il y trouve convenance, de se faire représenter à la fois par plusieurs plénipotentiaires. C'est même le cas habituel dans les congrès. Neumann, Grundriss, § 55; F. de Martens, Droit internal., t. 2, p. 44.

72. Mais il n'est pas de pays qui, en temps ordinaire, entretienne à la fois, à titre permanent, plusieurs ministres près la même puissance.

73. L'usage a seulement prévalu, pour l'étude de questions spéciales et techniques, de faire choix d'attachés ou de conseils placés sous les ordres des chefs de mission, quoique autorisés à entretenir une correspondance directe avec leur gouvernement. Ainsi, les grandes puissances entretiennent dans les principaux Etats de l'Europe des attachés militaires ou navaux. Calvo, t. 1, § 415.

74. Quand ils agissent pour le même objet, les agents composant la même ambassade ne font ensemble qu'un corps, et aucun d'eux ne peut négocier seul, ni avoir des conférences particulières sans ses collègues. Mais on convient habituellement de s'écarter de cette règle, dans la mesure où il est utile que chacun puisse, en recevant des communications confidentielles, préparer les négociations par ses propres moyens. La confiance ne peut être égale pour tous, et on l'étoufferait en voulant toujours traiter en commun. Merlin, Rep., vo Ministre public, sect. 2, §2, n. 2; Pailliet, Dict. de droit, v° Ambassadeur, n. 7. 75. A l'inverse, un même ministre peut être accrédité par son gouvernement auprès de plusieurs Etats différents. - Neumann, Grundriss, § 55; Calvo, t. 1, § 415.

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76. Enfin, il arrive souvent que plusieurs petits Etats ayant des intérêts connexes chargent une même personne de les représenter auprès d'une grande puissance.-Mèmes auteurs. 77. Le droit d'envoyer des ministres de la première classe n'est reconnu aujourd'hui, par les Etats qui jouissent des honneurs royaux, c'est-à-dire les empereurs, les rois, le pape, grands-ducs et les grandes républiques, y compris la Suisse, qu'aux Etats de même rang. Neumann, § 55.

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78. Mais, comme l'envoi de semblables ministres entraîne habituellement des frais considérables et un cérémonial onéreux, beaucoup de grandes puissances mêmes n'entretiennent les unes chez les autres que des ministres de la seconde classe. Neumann, loc. cit.

79. — Au surplus, si des Etats ne jouissant pas des honneurs royaux voulaient se donner le luxe de s'envoyer entre eux des

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82. De là l'usage, fort prudent, d'indiquer d'avance à l'autre Etat le nom et la classe de l'agent qu'on entend lui envoyer, et de le pressentir sur l'accueil qu'il lui réserve. — Neumann, Grundriss, § 55.

83. A part cette considération, le choix du ministre dépend, en principe, exclusivement de la volonté du gouvernement qu'il doit représenter. A moins d'usages ou de conventions contraires, il n'est entravé ni par l'âge, ni par le rang social, ni par la religion, ni même par le sexe. Phillimore, t. 2, n. 134; Calvo, t. 1, § 416; Heffter, trad. Bergson, § 209.

84. Les lois modernes déterminent bien l'àge auquel on peut régner, juger, administrer, être le représentant de son pays dans son pays même; mais elles ne disent rien de l'âge auquel on peut représenter son pays auprès d'une nation étrangère.

85. Merlin (Rép., vo Ministre public, sect. 3, n. 2) nous apprend que Philippe de Commines voulait que les agents diplomatiques ne fussent ni trop jeunes ni trop âgés. L'histoire prouve que ce conseil n'a pas toujours été suivi. Ainsi, en 1539, le sénat de Venise nomma à l'ambassade de Constantinople Thomas Cantarini, âgé de quatre-vingt-quatre ans. Charles-Quint se plaignait, en 1556, de ce que Philippe II, son fils, roi d'Espagne, lui envoyât un ambassadeur sans barbe. En 1775, le roi de France reçut le prince Doria Pamphili, nonce de vingt-trois ans.

86. La seule induction à tirer de ces faits, c'est que le choix en cette matière ne peut avoir d'autre limite que la confiance, et que chaque gouvernement est libre de choisir celui qui convient le mieux au poste qu'il s'agit de remplir. On peut, en effet, avoir les talents nécessaires avant l'àge qui les suppose, et les conserver à l'âge où l'on ne peut plus ordinairement les faire valoir. - Merlin, loc. cit.

87. Les femmes ne sont point exclues des fonctions diplomatiques; et, sans remonter au temps où le sénat de Rome députait Véturie et Volumnie vers Coriolan et les Volsques, on peut citer presque de nos jours Renée du Bec, veuve du maréchal de Guébriant, qui fut accréditée par Louis XIV, en 1646, comme ambassadrice auprès de Wladislas IV, roi de Pologne. - D'autres femmes, avant et depuis, avaient déjà et ont encore, sinon reçu formellement le caractère d'ambassadrices, du moins rempli des missions diplomatiques: ainsi Louise de Savoie, mère de François Ier, et Marguerite d'Autriche, archiduchesse des PaysBas, fille naturelle de Charles-Quint, négocièrent et signèrent, le 5 août 1529, en qualité de plénipotentiaires, le traité de pacification générale dit de Cambrai et auquel est resté le nom de Paix des Dames. Ce fut la duchesse de Chevreuse qui négocia dans l'intérêt de la Fronde à Bruxelles; et, quand il fut question de détacher l'Angleterre de la Hollande, c'est encore la duchesse d'Orléans, sœur du roi Charles, qui, à l'âge de vingt-six ans, fut chargée par Louis XIV de consommer le traité. Voltaire, Siecle de Louis XIV, ch. 10; Ch. de Martens, Guide diplomatique., t. 1, § 9, note 2; Alt, Europ. Gesandtschaftsrecht, § 34 et s.; F. de Martens, Droit internat., t. 2, p. 42, n. 4.

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88. Il n'est point, d'ailleurs, nécessaire que ceux que l'on charge de hautes missions soient d'une naissance illustre. Autrefois, peut-être, on a pensé que, si on le tirait de la sière, le représentant de la souveraineté manquerait de prestige et d'autorité. Mais, aujourd'hui, cette considération à perdu toute valeur. - Dans tous les temps et surtout dans nos sociétés modernes, l'homme illustré par son mérite et ses services a été considérée comme apte à représenter son pays. Cependant, comme chaque nation a ses préjugés, il convient de consulter ce

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qui lui convient le mieux, et ce n'est évidemment pas en les heurtant qu'on parviendrait à assurer la solidité des relations d'amitié ou d'intérêt l'on peut désirer établir avec elle. que Merlin, loc. cit., sect. 3, n. 1 et 4; F. de Martens, op. cit., n. 5. 88 bis. On peut refuser légitimement de recevoir, comme envoyé, un personnage qui, par sa situation sociale ou par les droits qu'il possède, risquerait d'être gênant ou dangereux. Tel est le cas des cardinaux, à l'égard des Etats qui renferment une population catholique, où cette population verrait toujours en eux le prince de l'Eglise plutôt que l'ambassadeur, et où ils pourraient être tentés d'abuser de leur autorité spirituelle. De son côté, le pape a le droit de refuser de recevoir un de ces hauts dignitaires comme représentant d'une puissance étrangère, les cardinaux étant ex officio membres de la curie romaine; un refus de ce genre eut lieu, en 1875, lorsque le gouvernement allemand voulut accréditer auprès de Pie IX le cardinal de Hohenlohe. F. de Martens, Dr. internat., t. 2, p. 42, n. 3.

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89. Aux termes de l'art. 20, Décr. 26 août 1811, les Français, même autorisés à passer au service d'une puissance étrangère, ne peuvent servir comme ministres plénipotentiaires dans aucun traité où les intérêts de la France pourraient être débattus. Les Français qui se seraient fait naturaliser en pays étranger ne peuvent jamais non plus être accrédités comme ambassadeurs, ministres ou envoyés auprès du gouvernement français, ni chargés de missions d'apparat qui les mettraient dans le cas de paraitre en France avec un costume étranger (Mème décret, art. 24). Ce décret est encore en vigueur; mais la prohibition qu'il renferme n'a jamais été considérée comme absolue. Tout le monde sait que, sous la Restauration, Pozzo di Borgo et, il y a quelques années, M. Herran ont été agréés, bien que Français, comme ministres de puissances étrangères en France. On s'est demandé, à ce propos, si l'acceptation de semblables missions par un Français est de nature à lui faire perdre la qualité de Français; on peut faire valoir, pour la négative, que, les fonctions étrangères ne commençant qu'à dater du jour où le ministre a été agréé par le Gouvernement français, cet agrément même implique l'autorisation prescrite par l'art. 17, C. civ. V. Folleville, Naturalisation, n. 449; Vincent et Pénaud, v Agent diplomatique, n. 2 à 5. - V. infrà, vo Français. 90. Cependant un Français pourrait être choisi, avec ou sans autorisation du Gouvernement, dans des négociations spéciales étrangères à la France, pour être l'agent diplomatique d'une nation étrangère auprès d'une autre nation étrangère, sans qu'il pût en résulter pour lui la perte de sa qualité.

91. La France pourrait également confier à un étranger le soin de la représenter auprès d'autres nations. Aucune disposition de loi ne s'y oppose. Mais on conçoit qu'il n'y a lieu d'user de cette faculté que bien rarement; à moins de circonstances exceptionnelles, il est préférable de confier des missions toutes françaises à des agents français.

92. En principe, tout Etat a le droit de refuser de recevoir un de ses propres ressortissants comme agent diplomatique étranger. Plusieurs puissances s'y refusent absolument, notamment l'Angleterre, les Etats-Unis, la Suède, etc. D'autres admettent sans difficulté leurs nationaux, mais en leur imposant l'obligation de rester soumis aux lois territoriales pour leurs personnes et pour leurs biens.

93. Ces conditions, qui ne sauraient jamais aller jusqu'à modifier ou altérer le caractère représentatif, doivent toujours être exprimées avant ou au moment de la réception de l'agent; car, autrement, celui-ci se trouverait dans l'impossibilité de revendiquer les honneurs, les droits et les prérogatives attachés à son emploi.

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94. En fait, ce cas se présente rarement, et les grandes puissances n'acceptent qu'avec répugnance une situation qui, par elle-même, est toujours grosse de difficultés. Ainsi que le reconnait Bynkershoek lui-même, qui professe pourtant qu'il n'y a pas d'obstacle à ce qu'un citoyen représente dans son pays une puissance étrangère, il faut, si ce citoyen doit servir deux maîtres, que ces maîtres n'entrent jamais en conflit, ou que, dans ce cas, l'ambassadeur se tienne à l'écart; cela revient à dire que le système se heurte à de véritables impossibilités. Bynkershoek, De foro legatorum, ch. 2; Phillimore, Intern. law, t. 2, n. 135; Calvo, Droit internat., t. 1, § 404; F. de Martens, Droit internat., t. 2, p. 4.

95. La règle est moins rigoureusement observée lorsqu'il s'agit de simples consuls. Toutefois, Neumann fait observer avec

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