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de sept membres anciens, présentant les ga- | ranties que vous savez; ou, enfin, on enverra un troisième justiciable devant la section temporaire du conseil d'Etat, composée de cinq membres et pouvant statuer à trois.

Il n'est pas possible, messieurs, d'admettre que l'administration, quelque bonne volonté qu'elle ait et quelque droites que puissent être ses intentions, il n'est pas possible, dis-je, d'admettre qu'elle ait le libre choix d'envoyer un justiciable devant l'une, devant l'autre ou devant la troisième de ces juridictions! (Très bien! à droite.) M. Halgan. C'est un pas de plus dans la

voie de l'arbitraire!

M. Léon Clément. Vous voyez, messieurs, que je vais vite, que je ne fais qu'indiquer au Sénat les raisons graves, à mon avis, qui doivent nous faire repousser le projet qui nous est présenté par le Gouvernement.

Mais je voudrais cependant ajouter une réflexion qui m'est suggérée par une législation qui n'est pas très ancienne.

Qu'avons-nous fait, messieurs, en 1875, lorsque nous avons décidé que les contestations relatives aux élections des conseils généraux seraient portées devant le conseil d'Etat?

Quelle était donc la situation à cette époque? Les conseils généraux statuaient sur les réclamations en matière d'élection de leurs membres, et ils statuaient souverainement.

On a trouvé que les conseils généraux ne présentaient pas de garanties suffisantes, et on a pensé aussi que, devant le conseil de préfecture, on ne trouverait pas toutes les garanties désirables. Alors on s'est tourné vers le conseil d'Etat et on a décidé que les recours pour les élections aux conseils départementaux seraient portés directement devant le conseil d'Etat.

Mais devant quel conseil d'Etat? Devant cette assemblée du contentieux à laquelle je rendais hommage tout à l'heure; et M. le commissaire du Gouvernement, je erois, ne refusera pas de s'associer au témoignage que je rends à l'assemblée qu'il pré

side.

On a donc renvoyé ces affaires devant cette assemblée parce qu'elle pouvait inspirer toute confiance. Si maintenant vous renvoyez les conseillers généraux nommés et leurs adversaires devant cette commission temporaire du conseil d'Etat qui sera composée de cinq membres, mais qui pourra statuer à trois, évidemment les réclamants et les défendeurs trouveront que véritablement il eût mieux valu les laisser sous l'empire de la loi de 1871 et dans les conditions ou les avait placés cette loi, que de les envoyer devant cette section nouvelle, nommée dans les conditions que je viens d'indiquer et qui pourrait statuer à

trois membres.

Messieurs, je crois que ces combinaisons nuisent d'abord à l'organisation éprouvée du conseil d'Etat, à laquelle il ne faut pas toucher aussi légèrement, et nuisent aussi à l'autorité des décisions judiciaires. On vous invite à créer des commissaires qui seront toujours suspectés, alors même qu'ils feront bonne justice.

Il n'y a pas, en effet, de matières dans lesquelles il y ait plus de susceptibilité. Elles touchent de près à la politique: il faut aux juges une indépendance absolue, des traditions reconnues; il faut qu'ils soient à l'abri de toute espèce de suspicion; qu'ils présentent et par leur nombre, et par leurs lumières, et par leur indépendance, toutes les garanties qu'on doit en attendre. Je crois que la mesure qui nous est proposée est véritablement inacceptable. Je la crois très fâcheuse et je termine en vous

répétant ceci : c'est qu'elle ne remédierait |

pas au mal.

Vous prétendez que la section du contentieux est actuellement trop chargée. S'il en est ainsi, si la section du contentieux est trop chargée et l'assemblée générale aussi, vous en arriveriez à renvoyer à cette section temporaire toutes les affaires électorales; c'est elle qui les jugerait, ou qui en jugerait le plus grand nombre, et cela, dans les conditions que j'indiquais tout à l'heure. Il me semble qu'une justice ainsi rendue ne présenterait pas toutes les garanties désirables. Je ne puis donc pas admettre, en ce qui me concerne, qu'on diminue de cette façon la justice administrative. (Approbation à droite.)

Il suffirait de donner au conseil d'Etat le moyen de statuer sur les affaires sans avocat comme il le fait aujourd'hui, puisque ce sont, comme je l'indiquais tout à l'heure, ces affaires sans avocat qui seules ont augmenté; les autres n'ont pas augmenté, et je rappelle à ce propos que c'est certainement le contentieux administratif qui a augmenté pour certaines branches, c'est-àdire pour les travaux publics qui prennent beaucoup de temps au conseil d'Etat. Ce cententieux diminuera, et l'on peut espérer que dans un avenir très prochain le conseil d'Etat pourra reprendre sa marche normale sans avoir recours à ces expédients qui sont contraires à tous nos précédents judiciaires. (Très bien! très bien à droite.)

M. le président. La parole est à M. Cazot. M.Jules Cazot. Messieurs, les observations qui viennent d'être présentées à cette tribune par l'honorable préopinant abrègeront singulièrement ma tâche. L'exposé des motifs et les deux rapports présentés, l'un à la Chambre des députés, l'autre au Sénat, accusent une augmentation considérable dans les affaires contentieuses soumises au conseil d'Etat.

Ils affirment que cette augmentation est due à l'abrogation du droit des conseils généraux de vérifier les pouvoirs de leurs membres, et à l'effet suspensif des recours exercés contre les décisions des conseils de préfecture qui annulent les élections municipales.

A votre dernière session, messieurs, je m'étais permis, à cette tribune, d'émettre sur ces deux points quelques doutes. Mais, en présence des affirmations réitérées produites soit par le Gouvernement, soit par le vice-président du conseil d'Etat, je passe condamnation sur ce point, et j'admets très bien que les affaires électorales ont augmenté considérablement le contentieux; il faut y ajouter également les contributions directes et les taxes assimilées.

Le mal est donc réel, et il importe, il est urgent d'y porter remède le plus tôt possible. Mais celui que l'on propose est-il celui qui convenait le mieux à la situation? N'estil pas hors de proportion avec cette situation? Ne dépasse-t-il pas la mesure?

Pour apprécier le remède proposé, le Sénat me permettra d'indiquer en peu de mots, et en m'en tenant aux lignes générales, l'organisme du conseil d'Etat et son mode de fonctionnement.

Le conseil d'Etat est à la fois un tribunal administratif et un grand conseil de gouvernement.

Comme tribunal administratif, il statue sur le contentieux et il exerce à cet égard un pouvoir propre de décision.

Comme conseil de gouvernement, il donne son avis sur les affaires purement administratives. La juridiction du contentieux est exercée par une section dite du contentieux composée de sept membres, y compris le président. Elle est également exercée par l'assemblée générale du contentieux, composée de la section du con

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tentieux et de deux membres empruntés à chacune des sections administratives du conseil d'Etat.

L'honorable M. Clément vous exposait tout à l'heure comment se faisait le départ entre l'assemblée générale et la sectio u du contentieux dans les affaires déférées au conseil d'Etat.

Lorsqu'il s'agit d'une affaire sans constitution d'avocat, c'est la section du contentieux qui instruit l'affaire et qui la juge; lorsqu'il s'agit d'une affaire avec constitution d'avocat, la section du contentieux instruit l'affaire, qui est ensuite portée devant l'assemblée générale du contentieux qui rend la décision.

Voilà quel est l'organisme du conseil d'Etat en matière de contentieux et son mode de fonctionnement.

Voyons maintenant quel est l'organisme nouveau qui est proposé par le projet de

loi.

A côté de la section du contentieux se trouve placée une section temporaire composée de cinq membres, et, en matière électorale comme en matière de contributions directes ou autres taxes assimilées, l'une comme l'autre ont le droit de statuer sur les affaires même avec constitution d'avocat, ce qui est nouveau, et j'ajoute : exorbi

tant.

Voilà le résumé du projet de loi. Eh bien, je m'étais déjà permis, à la dernière ses sion, de formuler devant le Sénat certaines critiques contre ce projet; une étude plus complète n'a fait que fortifier ma conviction, et je demande la permission de reproduire à cette tribune ces critiques qui sont au nombre de trois.

Le projet de loi tend à démembrer les sections administratives du conseil d'Etat et à en entraver le fonctionnement. Voilà le premier grief.

Il supprime les garanties qui sont dues aux justiciables: voilà le second grief. (Très bien! à droite.)

Enfin, il aboutit à des difficultés, je dirai presque à des impossibilités pratiques,

Je dis, d'abord, que l'organisme nouveau proposé par le projet tend à désorganiser les sections administratives du conseil d'Etat, et je parle des plus importantes. Les sections qui seront ainsi démembrées son désignées, sinon formellement, du moins implicitement, mais très clairement, dans l'exposé des motifs. Voici, en effet, ce que j'y trouve:

«Les membres de la section temporaire seront désignés par décret rendu après avis du vice-président du conseil d'Etat délibérant avec les présidents de section, parce qu'il importe que le choix du Gouvernement puisse se porter de préférence sur des conseillers d'Etat ayant déjà appartenu à la section du contentieux et ayant une connaissance approfondie de la jurisprudence en matière d'élections et de contributions.>>

Ainsi, vous le voyez, messieurs, pour la composition de la section temporaire le choix du Gouvernement devra porter sur des conseillers d'Etat qui ont déjà fait partie de la section du contentieux, et qui y ont acquis une connaissance approfondis de la jurisprudence en matière d'élections et de contributions.

C'est un engagement qui a été pris par le Gouvernement, et un engagement qu'il ne refusera pas d'exécuter. Eh bien, je cherche dans les sections administratives les conseillers d'Etat qui remplissent les conditions exigées par l'exposé des motifs.

Quels sont les cinq conseillers d'Etat qui ont déjà fait partie de la section du contentieux et qui y ont acquis l'expérience et la compétence nécessaires pour juger le contentieux administratif, mème borné aux matières électorales et aux matières de contributions directes?

J'en trouve trois, - je l'ai déjà affirméelle dans ces derniers temps projets de devant vous, messieurs, à votre dernière lois sur la protection de l'enfance, sur le session, et sur ce point je n'ai pas été dé- code rural, sur la limitation des degrés de menti par M. le commissaire du Gouverne- successibilité légale avec affectation des ment, j'en trouve trois dans la section ressources créées à des œuvres d'utilité de législation. générale; sur la répression des fraudes Vous allez donc démembrer cette section; dans les ventes de fonds de commerce; sur vous allez la réduire à trois membres, une modification proposée à l'article 1097 c'est-à-dire que vous allez la mettre dans du code civil; sur des modifications à apl'impossibilité absolue de fonctionner. Je porter aux dispositions des articles 2101 et sais bien qu'il est de mode, dans un cer- 2272 du code civil; sur l'hygiène publique tain monde, de dire que cette section de et l'assainissement des logements insalulégislation est inoccupée, que c'est un rouage bres; sur l'autorisation et les conditions de superflu, complètement inutile. publicité imposées aux sociétés d'assurance sur la vie; sur des modifications à apporter au régime de la séparation de corps; sur l'espionnage; sur l'interdiction de la pêche dans les eaux territoriales de la France et de l'Algérie. Nous nous bornons à citer les principaux.

C'est là une légende que démentent les faits et contre laquelle on ne saurait trop énergiquement protester à cette tribune. Cette protestation est déjà consignée dans le rapport fait à la Chambre des députés par l'honorable M. Dubost.

M. le garde des sceaux. C'est nous qui lui avons donné ces renseignements-là!

J'entends bien; mais si cette réserve est suffisante lorsqu'il s'agit d'une affaire sans constitution d'avocat, si elle est suffisante lorsque le justiciable a considéré que son affaire n'avait pas l'importance nécessaire pour être portée devant l'assemblée générale du contentieux, je comprends très bien que le renvoi ne puisse être demandé que par le commissaire du Gouvernement ou par un membre de la section, car dans ce cas c'est là une garantie que vous donnez au justiciable; mais lorsqu'il s'agit d'une affaire avec constitution d'avocat, lorsque, d'après la loi organique actuelle, le renvoi devant l'assemblée générale du contentieux est de droit, vous faites juger l'affaire par la section du contentieux, à moins que le renvoi ne soit demandé par le commissaire du Gouvernement ou par un membre de la section.

«La section de législation a préparé aussi Et alors l'intérêt du justiciable est comdes projets de décrets qui souvent n'ont plètement livré à l'arbitraire. Voilà le sepas une importance moindre: décret relatif cond reproche que j'adresse à votre projet à la réorganisation de la justice musulmane de loi, et, je le répète, les explications qui en Algérie; décret concernant l'immigra- ont été fournies à cette tribune par l'honotion dans les colonies; décret relatif à l'or-rable M. Clément me dispensent d'insister. ganisation de l'administration centrale des ministères; décret relatif à l'organisation judiciaire à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Réunion; décret pour l'application de la loi sur les récidivistes et la relégation, etc., etc. »

Voilà, messieurs, l'importance de la sec-
tion de législation. Ces renseignements suf-
fisent pour démontrer qu'il y a une impos-
sibilité absolue à investir trois membres
de cette section d'attributions nouvelles
qui les empêcheraient d'exercer celles dont
ils sont déjà investis. C'est pourtant cette
section que vous devriez démembrer, confor-
mément à l'engagement que vous
pris dans l'exposé des motifs, puisque vous
avez promis de composer votre section
temporaire de conseillers d'Etat ayant déjà
appartenu à la section du contentieux, que
je trouve trois de ces conseillers dans la
section de législation, et qu'il n'en reste
que deux dans les autres.

avez

M. Jules Cazot. Je le reconnais très volontiers, monsieur le ministre. Voici, en effet, ce que nous lisons dans ce rapport: «Dans presque tous les bureaux de la Chambre des députés, cette composition de la section temporaire a été critiquée. Beaucoup de nos collègues avaient pensé qu'il serait peut-être possible de confier purement et simplement à la section de législation du conseil d'Etat les attributions de la sectin du contentieux. On croit généralement que la section de législation est moins occupée que les autres sections; de là l'idée qu'on pourrait, sans inconvénient, lui conférer ces attributions nouvelles, au lieu d'emprunter aux autres sections administratives des membres dont l'absence pourrait être pour leurs travaux particuliers une cause de retard. Mais le Gouvernement a fourni sur ce point à votre commission des explications tout à fait décisives et qui ne permettent pas d'entrer dans la voie indiquée par quelques-uns de nos honorables collègues. Au contraire de ce qu'on pense généralement, les travaux de la section de législation vont sans cesse en augmentant, et on ne pourrait dire qu'elle soit moins occupée que les autres sections du conseil d'Etat. En dehors de l'examen des affaires ressortissant des ministères de la justice et des affaires étrangères, dont le chiffre suit une progression constante, elle est chargée de la préparation de tous les projets de lois qui lui sont renvoyés par les Chambres ou par le Gouvernement, et des règlements d'administration publique rendus en exécution des lois votées; elle est aussi adjointe aux autres sections administratives toutes les fois que les affaires soumises à chacune de ces sections pré-tée devant l'assemblée générale du contensentent un caractère spécialement juridique. >>

Et cette compétence si vaste n'est pas seulement écrite sur le papier; voici, en effet, le relevé des affaires soumises à la section de législation dans une période de six ans; je le trouve également dans le rapport de l'honorable M. Dubost:

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En 1883, 1,008 affaires;

En 1884, 1,106 affaires;

« En 1885, 1,432 affaires;

« En 1886, 1,550 affaires;

" En 1887, 2,604 affaires;

« En 1888 (jusqu'au 15 mai), 2,333. » Et pour entrer dans le détail de cette augmentation d'affaires, voici ce qu'ajoute, à titre d'exemples, l'honorable rapporteur :

«Il faut remarquer, en outre, que l'importance des affaires qui sont soumises à la section de législation exige de longues et nombreuses séances. A cet égard, il n'est pas inutile peut-être de rappeler quelquesuns des projets examinés et préparés par

Voilà mon premier reproche; voici le second, et les explications qui ont été données tout à l'heure à cette tribune par l'honorable M. Clément me dispenseront d'entrer dans de longs détails :

A l'heure actuelle, dans les affaires où il n'y a pas de constitution d'avocat, la section du contentieux est à la fois une juridiction d'instruction et une juridiction de jugement.

J'ai dit, en dernier lieu, que votre projet de loi aboutissait à des difficultés pratiques insurmontables. Je suppose que nous soyons en présence d'une affaire avec constitution d'avocat portée devant la section temporaire; le commissaire du Gouvernement ou un membre de la section en demande le renvoi devant l'assemblée générale du contentieux.

La voilà devant l'assemblée générale du contentieux. C'est la section temporaire qui aura instruit l'affaire et qui en devrait faire le rapport à l'assemblée générale. Eh bien, elle ne figure pas dans l'assemblée générale. Cette dernière se compose de la section permanente du contentieux et de conseillers d'État empruntés aux autres sections. Je comprends très bien, par conséquent, que lorsque la section du contentieux a instruit l'affaire et que, sur la demande du commissaire du Gouvernement ou d'un membre de la section, l'affaire est portée devant l'assemblée générale, je comprends très bien le mécanisme de la procédure, car la section du contentieux qui a instruit l'affaire et qui fait partie intégrante de l'assemblée générale présente le rapport.

Mais, dans votre système, quelle est donc la section qui fera le rapport? C'est la section temporaire qui instruit l'affaire et elle n'entre pas dans la composition de l'assemblée générale.

Voilà mon troisième grief.

Mais lorsqu'il y a constitution d'avocat, la section du contentieux est une simple juridiction d'instruction; et, comme je le Je conclurai donc au rejet de votre prodisais tout à l'heure, l'affaire doit être por-jet de loi. Cependant, je reconnais que le mal que vous avez signalé est réel...

tieux; c'est cette assemblée qui doit statuer
sur ces affaires auxquelles les justiciables
attachent nécessairement une grande im-
portance, puisqu'ils ont pris la peine de
constituer un avocat; l'importance de la
question en litige s'accuse précisément par
le fait même de la constitution d'avocat.
La loi organique a pensé que dans l'assem-
blée générale seule, composée de la section
du contentieux, plus des huit membres
empruntés aux sections administratives, le
justiciable trouverait les garanties qui lui

sont dues.

Eh bien, dans le projet de loi, ces garanties disparaissent, puisque la section du contentieux et la section temporaire qu'on veut créer auront la compétence, même dans les affaires où il y aura eu constitution d'avocat, non seulement pour instruire, mais aussi pour juger.

Il est vrai qu'on ajoute que l'affaire pourra être renvoyée devant l'assemblée générale du contentieux, sur la demande du commissaire du Gouvernement ou sur celle d'un membre de la section.

Un sénateur à gauche. Très réel. M. Jules Cazot. ... et qu'il importe d'y remédier le plus tôt possible. A cet effei, j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau du Sénat une contre-proposition dans laquelle je me suis efforcé de donner satisfaction et à la prompte expédition des affaires et en même temps à l'intérêt des justiciables.

Je n'établis pas de section temporaire et je divise la section du contentieux en deux sous-sections composées de trois membres chacune.

Le décret de 1884 donne déjà le droit à la section du contentieux de délibérer et de juger à trois; vous avez appliqué ce décret de 1884, et, en l'appliquant, vous avez essayé d'expédier le plus grand nombre possible d'affaires; vous n'y êtes pas parvenus. Pourquoi? parce que trois membres de la section ne pouvaient qu'alterner avec trois autres membres de fa même section, sans pouvoir opérer en même temps et séparément,

Si je ne me trompe, ce fonctionnement

vous a bien permis de consacrer quatre séances au lieu de trois à l'expédition des affaires contentieuses en matière électorale, de contributions directes; mais c'était insuffisant.

Dans mon système, les deux sous-sections du conseil d'Etat, composées de trois membres chacune, vont fonctionner simultanément, ce qui vous permettra d'avoir six séances au lieu de quatre.

Je pourvois donc aux besoins que vous signalez sans toucher aux sections administratives, sans altérer le caractère du conseil d'Etat considéré comme conseil de gouvernement, sans porter atteinte aux garanfies des justiciables, car je ne donne pas aux sous-sections le droit de statuer dans les affaires où il y a constitution d'avocat, Ce sont les plus nombreuses, et je ne vois pas la nécessité de donner à ces deux sous-sections un droit que la section du contentieux n'a pas eu jusqu'à présent. Voilà le système que je propose. Il est simple, il me semble pourvoir à tous les besoins qui ont été signalés: il permet d'expédier rapidement les affaires, et il garantit l'intérêt des justiciables. (Très bien! et applaudissements à gauche.)

M. de Casabianca, rapporteur. Messieurs, les critiques que l'honorable M. Cazot vient de diriger contre le projet de loi soumis aux délibérations du Sénat tendent à établir que l'adoption de ce projet aurait pour conséquence de désorganiser le conseil d'Etat ou tout au moins de rendre plus

difficile le fonctionnement des sections ad

ministratives, notamment de la section de législation, et même de diminuer les garanties de la défense devant la juridiction contentieuse du conseil d'Etat.

Je vais répondre à ces diverses critiques, si habilement présentées à cette tribune par notre éminent collègue, et je prie le Sénat de vouloir bien faciliter ma tâche, en m'accordant son indulgence et sa bienveillante attention.

Je dois, d'abord, faire remarquer au Sénat que l'honorable M. Cazot reconnaît la nécessité de remédier à la situation qui nous est signalée par le projet de loi.

Quelle est, messieurs, cette situation? Je puis l'indiquer d'un mot. Il y a, à l'heure actuelle, au conseil d'Etat un arriéré qui s'élève à près de 2,000 affaires. (Mouvement.) J'en indiquerai les causes dans un instant; mais je tiens, au début de cette discussion, à rendre hommage au zèle que déploie le conseil d'Etat.

J'ai eu sous les yeux les rôles d'audience; la section du contentieux juge, en moyenne, de 25 à 30 affaires par audience; l'assemblée générale, de 12 à 15. En vérité, messieurs, il serait difficile de faire plus, et ceux qui suivent de près les travaux du conseil d'Etat ne manqueront pas d'ajouter: Il est difficile de faire mieux. (Très bien!) Quelles sont, messieurs, les causes de cet arriéré?

Il est bon que j'insiste sur ce point, car, il y a un instant, à cette tribune, l'honorable M. Clément articulait que ces causes sont purement passagères, qu'elles tiennent à un concours de circonstances exceptionnelles, qu'elles sont à la veille de dispa

raître.

J'en demande pardon à mon honorable contradicteur, mais ces causes sont permanentes; et j'ajoute que, sur ce point, il est en désaccord avec l'honorable M. Cazot, qui, dans les observations qu'il a présentées au sein de la commission, a eu soin de bien retenir que les causes de l'arriéré ont un caractère de permanence incontestable.

M. Jules Cazot. Par conséquent, la section temporaire sera permanente!

M. le rapporteur. Et l'honorable M.

Cazot a ajouté: Je combats la création | d'une section temporaire parce que les causes qui amènent cette création auront une telle durée, que cette section devra fonctionner pendant un grand nombre d'années.

Voilà bien, si je ne me trompe, l'opinion qu'il a soutenue devant la commission et à cette tribune.

Eh bien, messieurs, il n'en est pas ainsi. C'est ce que je vais démontrer.

On vous a parlé, en premier lieu, de la loi de 1875, loi relative à la vérification des pouvoirs des membres des conseils généraux. Je crois je devrais dire je suis sûr que l'un de nos honorables collègues a déposé à cette tribune, au début de la séance, une proposition de loi tendant à revenir à l'ancien état de choses. Je n'ai pas, actuellement, à indiquer les avantages de cette proposition. J'ai seulement à constater que son adoption ferait disparaître l'une des causes de l'arriéré dont nous nous préoccupons.

En effet, le conseil d'Etat est appelé à se prononcer annuellement sur 6 ou 700 recours relatifs aux élections départementales. Si ce chiffre n'est pas exact, si je me trompe, l'honorable M. Laferrière voudra bien me rectifier.

M. Léon Clément. Le nombre ne doit pas en être aussi grand.

M. le rapporteur. Il peut se faire que je commette une erreur; mais, dans tous les

cas, il y a bien 4 ou 500 affaires de ce genre portées annuellement devant le conseil

d'Etat.

véritable cause de l'arriéré. Cette cause, on Mais ce n'est pas là qu'il faut chercher la la trouvera sans peine dans la loi de 1884. Je demande, à cet égard, la permission de mettre sous les yeux du Sénat un passage de l'ouvrage si remarquable que M. Laferrière a récemment publié.

Voici comment s'exprime M. Laferrière dans son traité de la juridiction administrative:

«On doit aussi noter comme ayant eu une influence immédiate sur le développement du contentieux électoral devant le conseil d'Etat la disposition de l'article 40 de la loi municipale de 1884, qui attribue un effet suspensif aux pourvois formés contre les décisions des conseils de préfecture prononçant l'annulation d'élections municipales. Ainsi qu'on pouvait le prévoir, cette disposition a encouragé des pourvois ne tendant qu'à paralyser, jusqu'à la décision du conseil d'Etat, les jugements des conseils de préfecture. Aussi, le recours en matière d'élections municipales, qui n'avaient pas dépassé 500 après les élections de 1878 et 600 après celles de 1881, se sont élevés à plus de 1,100 après les élections de 1884. »

Nous sommes aujourd'hui bien loin de ce chiffre. Il paraît qu'en 1884, au lendemain des élections municipales, on n'était pas encore bien fixé sur ces dispositions de la loi de 1881 et sur le profit qu'on pouvait en tirer.

Mais, après les élections de 1888, les recours se sont multipliés dans les proportions que je vais indiquer.

J'ai sous les yeux, messieurs, une note qui a un caractère officiel; elle émane de l'administration départementale et communale au ministère de l'intérieur, et voici ce que j'y trouve :

« Au 15 octobre, on n'avait encore connaissance que de 800 pourvois environ, dont 213 complètement instruits étaient déposés au secrétariat du contentieux.

Mais le nombre réel des pourvois est très supérieur à 800, et l'insuffisance des renseignements déjà recueillis résulte de ce que les dossiers d'un grand nombre de

pourvois n'ont pas encore été transmis par les préfets au ministre de l'intérieur.

« Une circulaire du ministre de l'intérieur, du 6 octobre dernier, invite les préfets à hâter l'envoi de ces dossiers. On peut évaluer le nombre total des pourvois à recevoir au minimum à 1,500 et au maximum à 1,800. »

Mais, messieurs, l'arriéré a d'autres causes que je voudrais indiquer. Peut-être ai-je tort d'insister; cependant, il est bon, je crois, que cette situation soit connue et qu'à ce point de vue ce débat s'élargisse un peu, afin qu'on ne puisse pas soutenir que l'on vient demander ici une loi ayant une sorte de caractère politique qui aurait pour but de remettre à cinq juges désignés arbitrairement par le pouvoir exécutif la connaissance des affaires électorales.

Non, messieurs, j'affirme, sans crainte de me tromper, que le Gouvernement obéit à des préoccupations qui n'ont aucun caractère politique et qu'il est uniquement guidé par le désir de mettre fin à une situation fâcheuse à tous les titres.

On a dit que ce projet avait été préparé, demandé par le conseil d'Etat. Je ne m'en étonne pas, car le conseil d'Etat connaît la situation et sait en présence de qu'elles difficultés il se trouve. II sait qu'il est dans la nécessité de statuer d'urgence sur des affaires électorales, sur des pourvois dirigés contre des décisions rendues par des conseils de préfecture; et pendant qu'il s'occupe presque exclusivement de ces questions, il est obligé de laisser en souffrance des' affaires autrement importantes, dans lesquelles la fortune, l'honneur souvent des particuliers sont en jeu.

Et c'est ce qui m'amène à signaler les autres causes de l'arriéré que l'honorable M. Laferrière indique avec tant de précision dans son traité de la jurisprudence administrative. Permettez-moi de placer sous vos yeux un passage de cet ouvrage :

«En dehors de ces lois, d'autres causes ont indirectement contribué, pendant cette dernière période, à activer le mouvement des affaires contentieuses. Parmi les principales on doit mentionner, en matière fiscale: les taxes créées ou rétablies à la suite des événements de 1870-71 et soumises au contentieux des contributions directes Impots sur les chevaux et les voitures, sur les cercles, sur les billards); la revision de la législation des patentes par la loi du 15 juillet 1880;

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En matière de travaux publics: la création d'un nouveau réseau de voies ferrées, l'amélioration des voies navigables et des ports maritimes, l'établissement de nouvelles lignes de défense sur la frontière et autour des places de guerre, l'extension dr réseau viciñal, et en général le grand développement des travaux communaux;

«En d'autres matières : la législation nouvelle de l'enseignement, la réorganisation du conseil supérieur de l'instruction publique et des conseils académiques au moyen d'élections dont le contentieux ressortit au. conseil d'Etat.

« Le mouvement des affaires contentieuses depuis 1872 a montré une fois de plus qu'il n'y a point de réformes administratives, pas d'entreprises de grands travaux publics, pas de manifestation nouvelle de la vie nationale qui n'ait son contre-coup dans le contentieux administratif.

« Aussi la progression des affaires, loin de se ralentir pendant cette période, s'est encore accentuée. La dernière statistique quinquennale publiée sous l'empire (18611865) faisait ressortir une moyenne annuelle de 1,157 affaires jugées par le conseil d'Etat, y compris les conflits. Après 1872, et alors que les conflits sont déférés à une juridiction spéciale, cette moyenen

s'élève à 1,403 pour la période quinquennale 1873-1877, à 1,511 pour la période 18781882. Le nombre des affaires jugées s'élève à 1,844 pendant l'année 1884; il atteint 2,012

en 1885. »

Vous connaissez maintenant, messieurs, les causes principales; mais il en est une autre qui a été signalée à cette tribune par M. le garde des sceaux et que j'ai le devoir d'indiquer à mon tour; c'est le retard apporté dans la transmission des dossiers. M. le garde des sceaux vous a rappelé qu'il a adressé, il n'y a pas longtemps, à MM. les préfets une circulaire les invitant à éviter ces retards si préjudiciables à la bonne administration de la justice. Cette circulaire porte la date du 6 juin; elle est conçue dans les termes les plus fermes et les plus nets. Quelque temps après, M. le ministre de l'intérieur envoyait les mêmes instructions aux préfets.

Je souhaite que les circulaires de M. le garde des sceaux et de M. le ministre de

Tintérieur ne restent pas lettre morte et qu'elles n'aient pas, comme tant d'autres circulaires, pour seul sort d'enrichir les recueils administratifs. (Très bien !)

M. Halgan. Vous constatez vous-même le retard dans les affaires administratives, ce dont nous nous plaignons.

M. Buffet. C'est là que la réforme devrait porter.

M. le rapporteur. Monsieur Buffet, je suis absolument de votre avis; j'estime que le Gouvernement ne peut se montrer trop vigilant, et je suis convaincu qu'il saura, au besoin, rappeler aux fonctionnaires placés sous ses ordres qu'ils ont le devoir de faciliter et non d'entraver la tâche si lourde du conseil d'État.

M. Halgan. Cela prouve que les préfets s'occupent d'autre chose que d'administration. Nous avons souvent présenté des doléances à ce sujet.

M. le rapporteur. Vous ne pouvez pas, certainement, en vouloir au Gouvernement...

M. Halgan. Mais si!

M. le président. N'interrompez pas, monsieur Halgan.

M. le rapporteur. Le Gouvernement a fait tout ce qu'il lui était possible de faire pour obtenir de MM. les préfets la prompte transmission des dossiers, et, au besoin, je le répète, il renouvellera ses instructions. Mais, est-il vrai, comme l'a soutenu l'honorable M. Cazot, que le projet de loi ait pour conséquence d'atteindre le conseil d'Etat dans son organisation?

C'est dans ces termes, en effet, que M. Cazot a posé la question.

Les sections administratives, a-t-il dit, ne pourront plus fonctionner; la section de législation ne pourra plus suivre utile

ment le cours de ses travaux.

Avant de répondre à cette critique il me sera bien permis de parler d'une désorganisation qui, celle-là, s'est déjà produite, qui est manifeste, incontestable.

A l'heure actuelle que se passe-t-il? Nous nous trouvons en présence d'un grand nombre de conseils municipaux dont l'élection est annulée, qui siègent depuis le mois de mai...

M. Léon Clément. Les préfets ne transmettent pas les recours, vous le disiez tout à l'heure.

M. le rapporteur. Je vous en prie, monsieur Clément, ne me faites pas dire plus que je n'ai dit. J'ai constaté, et le Gouvernement avait fait observer avec plus d'autorité que moi, que parmi les causes de l'arriére figurent les retards qu'on ap

porte dans la transmission des dossiers; mais ce n'est pas la cause principale. Il vous plaît de soutenir que c'est là qu'il faut chercher la véritable cause de l'arriéré; quant à moi, je ne puis pas, à cet égard, partager votre avis.

Je faisais observer qu'un grand nombre de conseils municipaux siègent, bien que leur élection soit annulée; ils vont prochainement établir le budget, procéder à la confection des listes électorales, nommer les délégués sénatoriaux, en un mot, pendant une année il y aura en France 1,500 1,800, peut-être 2,000 conseils municipaux dont l'élection est invalidée depuis longtemps, et cependant ils pourront remplir leur mandat. Quant à moi, je vois dans cette situation une véritable désorganisation. Voilà où la désorganisation est réelle, où elle s'est déjà manifestée, voilà une désorganisation qui, celle-là, est incontestablement établie.

Voyons maintenant, messieurs, si réellement le projet de loi désorganise le conseil d'Etat.

Ici, je me trouve en présence d'un nouveau système mis en avant par l'honorable M. Cazot, et d'un contre-projet sur lequel la commission n'a pas été appelée à délibérer. Je dois cependant reconnaître que devant la commission M. Cazot, sans indiquer d'une façon formelle les dispositions de son contre-projet, a présenté des observations qui ont été reproduites dans le rapport et qui contiennent la substance de sa proposition.

M. Cazot a soutenu que le conseil d'Etat serait désorganisé par le seul fait de la création d'une section temporaire, dont les membres seront choisis de préférence parmi les conseillers d'Etat qui siègent à la section de législation. C'est la désorganisation du conseil d'Etat, au dire de M. Cazot, parce que la section temporaire statuera au nombre de trois membres. Que l'honorable M. Cazot me permette de lui dire que, sur ce dernier point, il a commis une inexactitude.

Je sais bien que le projet de loi ne contient pas une disposition formelle à cet égard; mais voici ce qui s'est passé à la Chambre des députés :

Interpellé par l'honorable M. d'Aillères, M. le commissaire du Gouvernement, l'honorable M. Laferrière, a fait la déclaration suivante:

« M. le commissaire du Gouvernement. Je

voudrais, messieurs, indiquer une solution qui donnera, je crois, satisfaction à M. d'Aillières dans la partie que je reconnais juste de ses observations.

« L'honorable M. d'Aillières craint que la section du contentieux ou la section tem

poraire ne siègent à trois membres et que ce ne soit là un nombre insuffisant pour que les affaires soient l'objet d'un examen complet. Dans la pratique, assurément, les sections n'auraient pas voulu siéger à trois; mais puisque vous désirez une garantie à cet égard, le Gouvernement ne s'opposerait pas à ce qu'elle fut insérée soit dans le projet de loi, soit, ce qui serait préférable, dans le règlement d'administration publique prévu par l'article final du projet. Le Gouvernement ne ferait aucune difficulté de promettre à la Chambre une disposition

en ce sens. Entre ces deux formes de solution, il appartient à la commission de proposer et à la Chambre de prendre celle qu'elle croira la meilleure. (Très bien! très bien!)

« M. d'Aillières. Il ne me reste qu'à déposer l'amendement, rédigé dans les conditions dont vient de parler M. le vice-président du conseil d'Etat...

«M. Doumer. Cette disposition sera dans le règlement d'administration publique; le

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M. Jules Cazot. Je n'ai pas contesté cela!

rable M. Clément qui a soutenu que la secM. le rapporteur. Pardon! c'est l'hono

tion temporaire aurait statué à tort. Il a été, au contraire, parfaitement entendu à la Chambre des députés...

M. Léon Clément. Ce n'est pas dans le projet de loi; ce sont des conversations.

M. le rapporteur. Monsieur Clément permettez-moi de vous dire que de la part d'un esprit comme le vôtre cette observation m'étonne. Ce n'est pas dans la loi, Gouvernement vient déclarer que la section mais quand l'honorable commissaire du ne statuera qu'à cinq membres, et que l'un ment, il me semble que vous avez reçu de vos amis politiques retire son amendepleine satisfaction.

Ainsi donc, il n'est pas exact de dire que la section temporaire statuera à trois membres; elle devra toujours et dans tous les cas statuer à cinq.

Voilà la première objection qui était indiquée par M. Cazot...

M. Jules Cazot. Pas du tout!

M. le rapporteur. Par l'honorable M. Clément.

M. Léon Clément. Parfaitement !

M. Jules Cazot. Je me suis borné à dire que la section temporaire démembrait la section de législation.

M. le rapporteur. J'y arrive, monsieur Cazot. Je ne vous ai pas interrompu pendant votre discours, et vous ne redoutez pas assurément autant que moi les interruptions.

M. Jules Cazot. Je suis bien obligé de rectifier lorsque vous m'attribuez des opinions que je n'ai pas émises.

M. le rapporteur. C'est que vous vous êtes beaucoup préoccupé de la section de législation. Elle serait affaiblie, avez-vous dit, parce qu'on irait prendre dans cette section trois de ses membres pour siéger à la section temporaire.

vée en présence de cette critique qui ne s'est pas produite à la Chambre. Loin de là. L'honorable M. d'Aillières a déposé un contre-projet qui avait pour but de supprimer la section de législation. Votre commission estime, au contraire, qu'on ne saurait trop plaider en faveur du maintien de la section de législation; mais je me demande en quoi et comment cette section sera troublée dans son fonctionnement trois de ses membres viendront prendre parce que, une fois par semaine, deux ou part aux travaux de la section temporaire.

Votre commission, messieurs, s'est trou

C'est la section de législation sacrifiée, dites-vous...

M. Jules Cazot. Parfaitement!

M. le rapporteur. ...affaiblie, mutilée; et, cela, parce que le Gouvernement, voulant surtout obtenir de la section temporaire que les affaires soient jugées, comme elles doivent l'être, par des membres du conseil d'Etat qui connaissent déjà les questions contentieuses, s'adresse de pre

férence à d'anciens membres de la section du contentieux? C'est là que vous voyez l'affaiblissement de la section du contentieux? c'est là ce qui constitue le trouble

dans le fonctionnement de cette section?

M. Jules Cazot. J'y vois l'affaiblissement des sections administratives, pas du contentieux!

M. le rapporteur. Je crois cependant répondre à votre objection. Il me semble avoir entendu dire, à cette tribune, par M. Cazot Je me plains surtout de ce que le projet du Gouvernement ait pour conséquence inévitable d'affaiblir là section de législation. Voilà, si je ne me trompe, ce que vous avez dit. Eh bien, à cette objection j'oppose la réponse que voici.

Je demande à l'honorable M. Cazot de vouloir bien me dire, si du seul fait de demander à deux ou trois membres de la section de législation de venir prendre part, une fois par semaine, aux travaux de la section temporaire, il conclut que la section de législation sera réellement affaiblie, qu'elle sera troublée dans son fonctionnement?

Quant aux autres sections administratives, de votre propre aveu elles seront respectées; on n'ira pas chercher, ditesvous, les membres de la nouvelle section temporaire parmi les membres qui siègent aujourd'hui dans les autres sections administratives.

Voilà, si je ne me trompe, ce que vous avez dit à cette tribune.

C'est donc la section de législation qui vous préoccupe. Eh bien, si l'on s'adresse de préférence à la section de législation, c'est parce qu'il y a dans cette section des conseillers d'Etat qui ont déjà fait partie de la section du contentieux; c'est pour la meilleure expédition des affaires; c'est, en un mot, pour que cet arriéré déplorable que nous constatons puisse disparaitre dans le plus bref délai possible.

Eh bien, messieurs, voir dans le projet de loi, voir dans la disposition de ce projet que j'analyse, un trouble apporté au fonctionnement régulier du conseil d'Etat, c'est, ce me semble, aller bien loin; et je dois dire qu'à l'exception de l'honorable M. Cazot, qui a présidé la commission, tous les membres qui la composent estiment qu'un pareil résultat n'est pas à craindre.

Mais, ajoutait l'honorable M. Cazot, lorsque, par application de l'article 19 de la loi de 1872, une affaire sera renvoyée à l'assemblée générale du contentieux, que se passera-t-il, les membres de la section temporaire ne pouvant pas faire partie de l'assemblée générale du contentieux?

C'est bien votre objection, n'est-ce pas, monsieur Cazot?

M. Cazot fait un signe affirmatif.

M. le rapporteur. Le rapporteur sera obligé de se dessaisir du dossier, étant donné qu'il ne peut pas siéger à la section du contentieux.

M. Cazot. J'ai dit qu'il n'y aura pas de rapport possible à l'assemblée générale, à moins que vous n'y fassiez une nouvelle

instruction.

M. le rapporteur. Je vous réponds que le eas a été prévu; mais si vous m'interrompez à chaque instant, il me sera impossible de continuer la discussion. Ce cas, dis-je, a été prévu, et je vais mettre sous vos yeux un passage de l'exposé des motifs qui vous en fournira la preuve.

Voici ce que porte l'exposé des motifs : «Cette attribution nouvelle de la section du contentieux ne l'empêchera pas de réserver à l'assemblée du conseil d'Etat les affaires d'élections ou de contributions qui présenteraient des difficultés particulières

droit de la défense, une diminution des ga ranties de la défense!

J'en demande pardon à l'honorable M. Cazot, mais je ne puis m'expliquer pareille

ou qui soulèveraient des questions de droit nouvelles pouvant engager la jurisprudence. La section pourra toujours, conformément à l'article 19 de la loi organique du 24 mai 1872, renvoyer ces affaires à l'as-critique de sa part. seillers d'Etat de la section ou le commissemblée du conseil d'Etat, si l'un des consaire du Gouvernement le demande. » Et on ajoute:

« Il en sera de même devant la section temporaire; dans ce dernier cas, le dossier sera renvoyé par elle à la section du contentieux pour qu'elle fasse le rapport de l'affaire devant l'assemblée du conseil d'Etat. »

Le cas, monsieur Cazot, a donc été prévu. Si, conformément à l'article 19 de la loi de 1872, le renvoi était demandé à l'assemblée générale, voilà ce qui se passerait. Il me semble que la critique de l'honorable M. Cazot disparaît.

Puisque j'ai rappelé l'article 19 de la loi de 1872, je tiens à dire ce qui se passe dans la pratique? Toutes les fois qu'une affaire grave, une affaire méritant les honneurs d'une audience publique devant le conseil d'Etat est portée devant la section du contentieux, toutes les fois qu'une question devant engager la jurisprudence est soulevée, il est de jurisprudence constante que l'affaire est immédiatement renvoyée à l'assemblée générale du contentieux.

A cet égard, M. le vice-président du conseil d'Etat pourra donner au Sénat des renseignements plus précis que je ne pourrais le faire moi-même. Mais, vous dit-on, ce qui désorganise le conseil d'Etat, c'est la disposition contenue dans l'article 3 du projet. Eh bien, deux mots, messieurs, sur ces dispositions. En l'état de la législation actuelle, que se passe-t-il? Toutes les fois qu'une affaire est portée devant le conseil d'Etat, s'il n'y a pas constitution d'avocat, la section du contentieux instruit et jugé l'affaire. S'il y a constitution d'avocat, la section du contentieux est dessaisie de plein droit et l'affaire est portée devant l'assemblée générale du contentieux.

Toute la modification apportée dans le projet consiste dans la disposition suivante. La section du contentieux pourra statuer sur les affaires dans lesquelles il n'y a pas constitution d'avocat. Voilà, messieurs, le projet qui avait été primitivement soumis à la Chambre par M. le garde des sceaux.

On a rappelé tout à l'heure, à cette tribune, que ce projet a subi des modifications; c'est incontestable. La Chambre est allée plus loin que M. le garde des sceaux. M. le garde des sceaux estimait qu'il suffisait d'étendre les attributions de la section du contentieux, qu'il suffisait d'accorder à la section du contentieux le droit de statuer sur les affaires dans lesquelles il y a constitution d'avocat.

La Chambre a eru qu'il fallait donner les mêmes attributions à la section temporaire, et le Gouvernement s'est rallié à cette nouvelle disposition qui a été soutenue et accueillie, messieurs, avec faveur à la Chambre des députés.

la force de critiquer cette disposition. Du Eh bien, quant à moi, je ne me sens pas moment qu'il s'agit de faire disparaître l'arriéré dont nous nous préoccupons, il faut donner aux deux sections les mêmes attributions. La section du contentieux pourra à l'avenir statuer sur les affaires dans lesquelles il y a constitution d'avocat. Pourquoi refuser le même droit à la section temporaire, alors surtout que, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, la section temporaire devra être composée de cinq membres au moins?

Voilà, messieurs, ce qui a été fait par Chambre des députés.

la

Nous diminuons, dites-vous, les garanties de la défense, pourquoi? Parce que nous diminuons le nombre des juges.

M. Jules Cazot. Mais pas le moins du monde !

M. le rapporteur. Oh! c'est bien ce que vous avez dit devant la commission, et c'est bien ce que vous avez répété à cette tribune. Mais c'est une erreur profonde. Nous ne diminuons pas le nombre des juges, nous l'augmentons.

En l'état de la législation actuelle, la section du contentieux peut statuer à trois; d'après le projet tel qu'il a été voté par la Chambre des députés, il faudra cinq membres au moins. (Interruptions.) Si vous voulez que je dise que cela n'a pas été voté par la Chambre, je le dirai; mais enfin il me semble bien que le fait par un membre du Gouvernement de prendre un engagement formel à la tribune, engagement accepté par l'auteur de l'amendement...

M. le baron de Lareinty. Le bon billet qu'a La Châtre... Le Gouvernement change tous les jours!

M. le rapporteur. Vous comprenez, monsieur de Lareinty, qu'il m'est véritablement impossible de répondre à cette interruption.

M. le baron de Lareinty. C'est la seule que j'aie faite, et je la crois parfaitement fondée.

M. le rapporteur. Il ne s'agit pas du Gouvernement. Si le cabinet actuel venait à disparaître, je pense bien que ses successeurs ne viendraient pas dire...

M. le baron de Lareinty. Ils seraient en droit de le dire.

M. le président. N'interrompez pas.

M. le rapporteur. Je disais, et là-dessus il faut qu'il n'y ait pas d'équivoque, que par suite des engagements formellement pris à la tribune de la Chambre des députés, la section temporaire aussi bien que la section du contentieux ne pourra statuer qu'au nombre de cinq membres; il ne pourra y avoir aucune espèce de malentendu à cet égard. Eh bien, que fait M. Cazot dans son contreprojet ?

Il demande que la section du contentieux soit subdivisée; qu'au lieu d'une section du contentieux il y en ait deux. Mais en même temps M. Čazot admet que la section pourra être composée seulement de trois membres.

M. Jules Cazot. Pas dans les affaires où il y a constitution d'avocat. Ces affaires, dans mon système, doivent être renvoyées devant l'assemblée générale du contentieux.

M. le rapporteur. Je suis dans le vrai. Vous avez, à plusieurs reprises, soutenu que la section temporaire devrait juger à trois, et l'honorable M. Clément l'a soutenu

comme vous.

demandez que la section du contentieux Il résulte de votre contre-projet que vous soit composée de trois membres. Est-ce exact?

M. Jules Cazot. Mais pas dans les affaires où il y a constitution d'avocat.

M. le président. N'interrompez pas, monsieur Cazot, vous développerez votre contre-projet.

M. Jules Cazot. Je tiens à ce qu'on ne Mais, dit-on, c'est une atteinte portée au dénature pas ma pensée.

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